dépêche AFP
Des dizaines de milliers de Chiliens de droite ont célébré dimanche soir l’élection de Sebastian Pinera à la présidence, éprouvant pour beaucoup pour la première fois la joie d’une victoire politique, espérant pour d’autre la fin d’un stigmate sur la droite. Quelque 30.000 personnes, selon la police, ont convergé au fil de la soirée vers la Plaza Italia dans le centre de Santiago, bloquant un carrefour majeur de la capitale près du QG de campagne du candidat, dans un grand hôtel. « C’est la première fois que ma famille et moi, on fête une victoire politique ! », s’émerveillait Constanza Espinoza, petite main de l’équipe de campagne de Pinera, radieuse au milieu des ballons, drapeaux chiliens, aux cinq couleurs de l’Alliance de droite derrière Pinera. A 25 ans, Constanza symbolise une génération de Chiliens presque aussi vieille que la démocratie elle-même, qui n’a connu que des gouvernements de centre-gauche depuis la fin de la dictature (1973-90). Ses parents eux-mêmes n’ont jamais vu un président de droite élu : le dernier, celui de Jorge Alessandri, remontait à 1958. Dans la rue, les vendeurs ambulants faisaient des affaires en or, avec des répliques de l’écharpe présidentielle tricolore, ou des drapeaux « Pinera président », les articles en grande demande, à 1000 pesos (2 dollars) pièce.
L’électorat divers qui a voté Pinera était reflété sur le long de l’avenue Alameda : ici, une retraitée modeste, qui espérait « qu’il (Pinera) se souvienne du 3e âge comme il nous l’a promis ». Là, une jeunesse plus aisée qui arpentait l’avenue en klaxonnant au volant de quelques Hummers, ou décapotables. Dans des scènes reproduites dans d’autres villes, à Valparaiso, Vina del Mar, les accolades et les interpellations entre inconnus traduisaient la joie presque incrédule des électeurs de droite : « On a gagné, vieux, on a gagné ! ». Et le sentiment qu’une opportunité politique leur était donnée, après une longue attente. « Le pays voulait un changement. Nous, à droite, on voulait quelque chose de bien pour le pays, démontrer qu’on veut vivre en paix et non dans la haine », lançait une autre sympathisante, en référence au stigmate sur la droite depuis la dictature. Et dont le succès de Pinera marque un début d’effacement. C’est à eux que Pinera, issu de la droite modérée, s’adressa en fin de soirée Plaza Italia, saluant l’alternance qui « renforce la maturité démocratique » du Chili. Et promettant « de faire tomber les murs qui divisent » le pays, hérités de son passé dictatorial. Un peu plus loin, perdus dans une foule jeune dans sa majorité, quelques bras d’âge plus mur brandissaient en musique au-dessus des têtes trois ou quatre bustes en plastique ceints d’une écharpe présidentielle tricolore : le buste du dictateur Augusto Pinochet…